
Le graffiti ? trop commercial. Has been. Ringard
A Sao Paulo, on ne jure plus que part la PIXACAO (prononcer « pitchaçao »). Une nouvelle forme d’art controversée, revendiquée par les populations déshéritées des favelas. Dérivée du graffiti, la Pixaçao est l’art des pauvres, des favelas, des sans-voix. C’est l’expression de l’anarchie, de la misère sociale, de la révolte dans sa forme la plus pure.
Dans le documentaire passionnant et à vif de Joao Weiner et Roberto Oliveira, « Pixo », projeté dans le cadre de l’expo « Né dans la Rue » consacrée au graffiti, on assiste à 2h de cavale dans les rues de Sao Paulo avec des pixadores ou « pixos » qui égrènent leurs hiéroglyphes à travers la ville.
La Pixaçao a ses propres codes, son propre alphabet, inspiré des lettres antiques européennes. Des signes incompréhensibles pour le Brésilien lambda, longilignes, noirs, certains Pixos, déscolarisés parfois illettrés ne comprennent que ce langage. La Pixaçao, c’est le tag made in Brazil avec tout ce que cela comporte de marginalité de pauvreté de contestation, de violence, d’anarchie et a fortiori de criminalité. C’est aussi un besoin vital d’exister, la manifestation d’une énergie débordante, souvent violente qui ne peut et ne veut pas s’exprimer dans les règles. Créé dans les années 60 pour protester contre la dictature en place, la pixaçao est issue de la culture punk et s’inspire des groupes de hard rock anglo-saxons.
Exit, les bombes de peintures colorées, les murs cédés gracieusement par la mairie du quartier et les expos bobos parisiennes, les Pixadores de Sao Paulo s’approprient sauvagement la ville, escaladent des immeubles sans aucune protection en pleine nuit, sous le regard effaré des badauds, atteignent des hauteurs vertigineuses. Chutent lamentablement. Meurent parfois, subissent de violents chocs de 3000 volts en s’agrippant aux poteaux électriques. Une des seules et des dernières formes d'art qui côtoie la mort...
"La pixaçao", explique un spécialiste, "c’est le besoin de reconnaissance sociale, le plaisir de l’adrénaline et la protestation". Et cela dérange. Les écrits des Pixos, véritable phénomène de société, font souvent la une des médias. Gangrène pour la police, gribouillis inesthétiques pour d’autres, la pixaçao est peut-être la forme ultime d’art moderne. A voir d’urgence à la fondation Cartier pour l’Art Contemporain.
Gaëlle Borgia
Gaëlle Borgia

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