jeudi 2 septembre 2010

Absurde descente aux enfers.

Notre Jour Viendra. Romain Gavras.



Le premier long métrage de Romain Gavras, Notre Jour Viendra met en scène la descente aux enfers d’un conseiller d’orientation-psychologue désorienté et solitaire interprété par Vincent Cassel.Dans sa folie progressive et son errance contrôlée à travers le Nord de la France, il entraîne un jeune désoeuvré, en proie à un rejet familial et social, interprété par Olivier Barthélémy.

Premier long métrage d’un réalisateur qui a déjà prouvé son talent (clips de MIA et Justice qui ont choqué certains bien pensants), Notre Jour Viendra illustre la pertinence de Romain Gavras mais aussi les limites de son message si message il y a.Issu du collectif Kourtrajme (groupe de 130 artistes réunissant graffeurs, chanteurs réalisateurs, acteurs se présentant comme chantres de l’art urbain), Romain Gavras est de ceux qui ont clamé ne « jamais écrire un scénario digne de ce nom » ou encore « ne jamais justifier de la gratuité de [ses] scènes gratuites : violence, sexe, drogue, racisme et animaux et de « ne pas donner un sens à [ses] films »*. Or difficile de tenir 1h30 de non-sens, d’incohérence et de violence pour la violence même si cela est délibéré.
La première partie du film nous fait progressivement basculer dans la folie nihiliste, raciste et misogyne du psychologue brillamment interprété par Vincent Cassel. Si le film est dynamique, servi par des dialogues drôles et un Barthélémy excellent, au bout d’un moment, l’ensemble patine, ne progresse plus. Romain Gavras ne nous emmène nulle part. Les scènes de violence sanguinaire s’enchaînent sans intérêt. Les allusions à la religion s'éparpillent de façon brouillonne. Difficile d’expliquer ce nihilisme grandiloquent.

Pourtant, on pense à Taxi Driver de Scorsese, et l’on peut faire un parallèle entre la quête de Vincent Cassel et celle de Bickle (Robert de Niro) à travers le meurtre. Les deux hommes ne savent pas ce qu’ils veulent devenir ni quelle cause ils veulent défendre.Tout autant que Scorsese, Romain Gavras n’a jamais recours à des explications psychologiques faciles. Le rejet social subi par les deux protagonistes du fait de leur rousseur ne peut expliquer à lui seul la volonté de vengeance des personnages. Romain Gavras ne condamne pas l’anarchie qu’il met en scène. Les victimes sont toujours des personnages tournés en dérision et méprisés par le spectateur. Il n’y a donc ni condamnation ni apologie.

Vincent Cassel est magistral dans l’interprétation du psychologue qui met en scène sa propre descente aux enfers avec grand fracas. Son interprétation peut rappeler celle de Marlon Brando dans Apocalypse Now, mais là où Coppola dénonçait l’horreur de la Guerre du Vietnam, l’épopée noire de Cassel est discréditée par l’absence de cohérence et de message et perd de ce fait sa valeur. Au départ on peut avoir envie d’aimer ce psychologue solitaire à la dérive. Puis on finit par ne plus comprendre son absurde noirceur et son mépris de la nature humaine. Ce qui avait fait la valeur et l’intérêt de Kourtrajme apparaît comme un handicap à l’échelle d’un long métrage.

*Manifeste insurrectionnel de Kourtrajme
Je jure de ne jamais écrire un scénario digne de ce nomJe jure de ne pas justifier de la gratuité de mes scènes gratuites : violence sexe drogue racisme et animaux

Je jure que joel le gorille apparaitra dans chacune des productions kourtrajmeJe jure de ne pas donner un sens à mes films mais de faire des films pour les sens.

Je jure que chaque composition artistique (réalisation, musique, jeu d’acteurs) doit etre dominée par mon instinct et non par ma raison

Seigneur ne leur pardonnez pas car ils savent très bien ce qu’ils font